Quand le luxe entre dans le jeu
Autrefois considérés comme deux univers distincts, le luxe et le gaming fusionnent désormais dans une dynamique culturelle affirmée. Le premier incarne l’héritage, la rareté et l’excellence artisanale. Le second s’impose comme un espace d’innovation technologique, de narration interactive et de création communautaire.
Aujourd’hui, les plus grandes maisons n’hésitent plus à s’inspirer de l’esthétique du jeu vidéo, à investir les plateformes communautaires ou à collaborer avec des figures issues de l’e-sport.
Les maisons de luxe investissent le gaming
En 2019, Louis Vuitton crée l’événement en collaborant avec League of Legends. La maison habille le personnage Qiyana, conçoit une malle de trophée pour le championnat du monde et lance une collection capsule inspirée de l’univers du jeu. Une entrée remarquée qui marque un tournant dans la stratégie culturelle du luxe.
Dans la même lignée, Balenciaga développe son propre jeu vidéo Afterworld pour présenter une collection avant d’intégrer ses pièces dans Fortnite. Gucci multiplie les expérimentations sur Roblox, The Sims ou Zepeto en proposant des pièces digitales à collectionner.
Plus récemment, Coperni affirme cette convergence en conviant des figures de l’e-sport telles que Faker, Ibai ou Keria en front row de son défilé à la Fashion Week 2024. Un geste qui reflète l’évolution des figures d’influence et la reconnaissance du gaming comme espace culturel légitime dans l’univers du luxe.
De l’objet à l’expérience digitale
Avec le lancement du jeu Enigma en 2022, puis sa relance en 2024, Louis Vuitton illustre une manière inédite de créer du lien avec sa communauté. Enigma est un jeu communautaire basé sur des énigmes à résoudre, hébergé sur un serveur Discord. Les participants interagissent, déchiffrent des indices et débloquent des récompenses digitales exclusives. Cette stratégie s’inscrit dans un mouvement plus vaste, celui de la gamification du luxe. Les maisons développent des objets digitaux à forte valeur symbolique, qui deviennent des marqueurs de distinction dans les environnements virtuels. L’exclusivité ne repose plus uniquement sur la possession d’un objet, mais aussi sur l’accès à une expérience, la participation à une communauté ou l’adhésion à un récit de marque.
Gucci a lancé plusieurs collections de NFT via sa plateforme Vault, explorant le potentiel artistique et émotionnel du digital. Balenciaga a proposé des skins immersifs dans Fortnite, et Givenchy ou Prada ont décliné des œuvres hybrides, entre physique et virtuel, en expérimentant de nouveaux formats visuels et immersifs.
Ces initiatives traduisent une volonté claire : affirmer la présence du luxe dans les nouveaux territoires culturels que sont les mondes virtuels, et engager une relation émotionnelle avec une génération connectée.
Une nouvelle culture du prestige
Ce rapprochement entre luxe et gaming reflète l’émergence d’une culture partagée. Le prestige ne se définit plus seulement par les codes traditionnels, mais aussi par l’appartenance à des univers narratifs forts, souvent portés par les plateformes numériques. Les figures du gaming deviennent des ambassadeurs culturels, les objets virtuels acquièrent une valeur symbolique réelle et les communautés participent activement à la construction de l’image de marque.
Dans ce contexte, les maisons qui osent explorer ces terrains gagnent en influence et en légitimité. Elles créent un luxe plus fluide, plus immersif et plus conversationnel, en phase avec les usages d’une génération qui ne sépare plus le physique du digital.
L’EIML Paris s’inscrit pleinement dans ce dynamisme. Grâce à son appartenance au réseau Skolae, l’EIML Paris initie des projets pédagogiques ambitieux au croisement du luxe, du digital et de la création immersive. Dans cette logique, l’EIML Paris a collaboré avec l’ICAN, la grande école des jeux vidéo, de l’animation 3D, du design et de la création Web. Cette collaboration a donné lieu au workshop Store du Futur in Fortnite, un projet explorant la rencontre entre univers virtuel, expérience client et storytelling de marque. Les étudiants ont imaginé des environnements immersifs pour des maisons comme Loewe, Cartier ou Charlotte Tilbury en combinant narration, mécaniques inspirées du gaming et exigence visuelle. Ce type d’initiative reflète l’ambition de l’EIML Paris de former des talents capables d’innover tout en respectant les fondements culturels et symboliques du luxe.